lundi 12 janvier 2009

Que de découvertes! Coloratrice. Qu'est-ce que ça voulait dire exactement? Elle pouvait imaginer aisément que son frère puisse avoir des pouvoirs, l'imaginer lever ses mains, façonner des couleurs entre ses paumes, puis les lancer contre des choses. Ou alors juste se concentrer, et tenir ainsi l'équilibre des couleurs du monde. Ou encore prononcer des formules compliquées répondant à des fonctions et couleurs précises, ou encore agiter une baguette comme Harry Potter...
Mais elle, elle ne trouvait rien de tout ça au fond d'elle-même. Pas en surface non plus.

Puis Belem revit dans ses souvenirs le doux regard de son père.
"Et papa...? Que..."
Frogno prit une mine déconfite.
"Belem, j'ai été un crétin, toutes ces années, un crétin. J'ai cru pouvoir tout faire seul, je détenais le pouvoir des couleurs, et j'ai cru que c'était suffisant pour l'exercer. Père est parti..." Il sanglota, sans pouvoir continuer plus loin.
"Il est... m... mort?"
Frogno fixa ses yeux clairs dans les siens, tristes. Belem ne pouvait pas s'empêcher de ressentir une grande rancoeur envers lui. Elle avait tout perdu, tout, par sa faute, et malgré ses efforts pour se contenir, Frogno devait lire son ressentiment dans ses yeux.
"Non. Juste parti, je ne sais pas où. Juste après que je te chasse de ce monde, il est venu me voir. Il m'a conseillé plein de choses que je n'ai pas suivi..." Il sanglota, avant de continuer: "Puis il m'a embrasse sur le front, et il est parti, sans un mot de plus. J'ai été si bête, si imbu de moi, complètement aveuglé par mon chagrin... Oh Belem, comme je regrette, si tu savais, comme je regrette maintenant!"

Belem eut pitié pour son frère, si petit au fond de son lit à spirales, si triste, et si seul. Elle s'était sentie si seule elle-même, toutes ces années, sans savoir pourquoi... Oui, elle comprenait cet état d'âme. Elle prit la main de Frogno en soupirant.

"Ce qui est fait est fait, Frogno. Je ne peux pas dire que ce n'est rien, que c'est oublié, que ce n'est pas important, je mentirais. Mais tout n'est pas irréparable, et ce qui l'est... et bien, il faut nous attacher à construire dessus quelque chose de meilleur, maintenant. Je... Je ne peux rien faire seule, Frogno. Et toi non plus, tu ne peux rien faire seul. Maman est morte, papa a disparu. Il n'y a que nous deux, il faut que nous tentions de faire au mieux, tous les deux."

Belem avait gardé les yeux baissé sur les doigts de son frère en parlant, lentement. Quand elle eût fini, elle releva la tête, et laissa s'échapper un cri silencieux de surprise. Son frère avait des belles joues roses, ses yeux violets d'autrefois, des lèvres carmin, et avait repris toute sa carrure. Au fond de son regard, on discernait les cicatrices qu'il s'était lui-même infligé, et tous les regrets qui l'animaient, mais aussi l'espoir, de nouveau.